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L’approche par les compétences dans la formation

Louise Michel |

Dans un contexte post-covid où le distanciel est favorisé à tous les niveaux de l’entreprise, la formation numérique et le blended learning (mélange de distanciel et de présentiel) vont devenir les formats privilégiés d’apprentissage. L’occasion nous est alors donnée de réfléchir à l’amélioration de l’expérience de formation numérique. Le lien humain direct est distendu, l’écran fait office d’interface avec le contenu de formation. Comment garantir tout de même l’engagement du collaborateur dans ses apprentissages ?

Une partie de la réponse se trouve dans l’individualisation des parcours. En tenant compte du profil du collaborateur, de ses objectifs personnels, de son rythme d’apprentissage et en lui poussant des formations choisies en fonction de ces 3 critères, vous maximisez les chances de l’engager et de le motiver, facteurs clés de réussite.

Aujourd’hui, l’Intelligence Artificielle nous permet d’industrialiser la démarche d’individualisation des parcours de formation des collaborateurs (Comment les entreprises se sont appropriées les technologies d’Adaptive Learning). Mais pour mettre en place cette approche personnalisée, il est nécessaire de se doter d’un référentiel permettant d’identifier clairement le point de départ du collaborateur et où il veut aller. Dans ce référentiel, l’intelligence artificielle permettra de déterminer le chemin optimal pour atteindre les objectifs fixés en fonction du profil de l’apprenant.

L’approche par les compétences consiste à utiliser les compétences et les métiers, au sein d’une organisation, comme référentiel.

L’approche par les compétences

Selon Roegiers1 (2000), la compétence « c’est la possibilité, pour un individu, de mobiliser de manière consciente et organisée un ensemble intégré de ressources (contenant des connaissances, des habiletés et des stratégies) en vue de résoudre une famille de situations problèmes ».

L’approche par les compétences commence donc par la modélisation du métier dans l’entreprise. En venant s’intéresser au métier, à ses tâches du quotidien et aux situations complexes qu’il doit résoudre, nous sommes en mesure d’identifier l’ensemble des savoirs, des savoirs faire et des savoirs être qu’il doit être capable de mobiliser avec compétence pour mener à bien ses missions.

Des initiatives sont prises à l’échelle des pays, des ONG et des multinationales pour mettre en place des commissions de recherche afin de construire et d’harmoniser des référentiels métiers-compétences. On peut citer par exemple le projet ESCO de l’Union Européenne qui « recense et catégorise les aptitudes, les compétences, les certifications et les professions pertinentes pour le marché du travail, l’enseignement et la formation au sein de l’UE ».

Une fois ce référentiel métiers-compétences établi, il apparait qu’une même compétence peut se retrouver au sein de plusieurs métiers. Or, le niveau de maîtrise attendu pour cette dernière n’est pas la même en fonction des métiers. D’où l’importance de mettre en place une échelle de niveaux commune à l’entreprise afin d’accorder les départements, les business unit et les entités sur les mêmes standards. Les attendus métiers vont correspondre à l’association des compétences et des niveaux de maitrise attendus pour effectuer correctement les missions du métier.

Nous recommandons par exemple de définir une échelle de 4 niveaux de maîtrise allant de la notion (niveau minimum) à l’expertise (niveau maximum).

Le positionnement

Dans l’approche par les compétences, les attendus métiers représentent le point d’arrivée, l’objectif à atteindre. Il faut maintenant positionner le collaborateur par rapport à ses attendus métiers afin de connaitre son point de départ et d’identifier le skill gap à combler, c’est-à-dire l’écart entre son niveau attendu et son niveau actuel.

Afin d’effectuer ce positionnement, il convient de mettre en place un référentiel d’évaluation, sur la base du référentiel de compétences. Les ressources d’évaluation vont permettre de venir confirmer ou infirmer un niveau de maîtrise donné pour une ou plusieurs compétences.
Ce diagnostic peut se faire de différentes manières. Il est possible de l’obtenir à partir de données déjà possédées par l’entreprise, comme par exemple celles des entretiens annuels. On parlera alors d’évaluation par les pairs, car ce sont les managers, collègues ou équipes managées qui évaluent le niveau d’un collaborateur sur un panel de compétences clés. Le positionnement peut aussi être fait grâce à de l’auto-évaluation de la part du collaborateur lui-même. Finalement, on peut utiliser des outils spécialisés dans l’évaluation des compétences, comme par exemple ceux utilisant des questionnaires adaptatifs qui ajustent en temps réel le niveau des questions posées en fonction des réponses de l’apprenant (Bénéfices des solutions Domoscio #1 : l’apprenant).

Chaque méthode d’évaluation est intéressante. Certaines sont plus ou moins adaptées au type de compétence évaluée. L’auto-évaluation est un bon moyen d’évaluer les savoir-faire. L’évaluation par les pairs est particulièrement adaptée aux savoirs être et les questionnaires adaptatifs sont très efficaces pour évaluer les savoirs. L’idéal est de conjuguer ces évaluations pour venir positionner le collaborateur sur l’ensemble de ses compétences métier.

La formation

L’approche traditionnelle place la formation au cœur de la construction des parcours d’apprentissage. Dans l’approche par les compétences, la formation est vue comme un moyen permettant la montée en compétences du collaborateur afin d’atteindre ses objectifs métier et de répondre aux besoins en compétences de l’entreprise. Dans une optique d’industrialisation de la personnalisation des parcours de formation, nous avons donc besoin de construire un dernier référentiel basé lui aussi sur le référentiel de compétences : le référentiel formation. Ce référentiel vient cartographier pour chaque formation l’impact de celle-ci sur le niveau de maîtrise de compétences identifiées.

En tenant compte du positionnement de départ et des attendus métier, un outil d’adaptive Learning utilise l’Intelligence Artificielle et le référentiel formation pour venir sélectionner les ressources les plus pertinentes afin de guider le collaborateur au mieux dans sa montée en compétence.

Conclusion

Référentiels métiers, référentiel d’évaluation, référentiel de formation… Ce travail de modélisation par les compétences est mis au service de la pédagogie et de l’engagement des apprenants tout en répondant aux besoins de l’entreprise.  Cette approche permet de gagner en visibilité sur les compétences disponibles et celles manquantes au sein de la structure. Combinée aux bons outils d’apprentissage, elle permet de pousser uniquement les ressources pertinentes et nécessaires aux collaborateurs et ainsi d’optimiser les coûts de formation et le temps passé en formation.


Source1 : à la fois ingénieur, instituteur et docteur en sciences de l’éducation, Xavier Roegiers est président du BIEF, à Louvain-la-Neuve. Professeur à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve.