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La révision espacée et la consolidation des acquis

Ikram Gagaoua & Pascal Lim |

Que ce soit la veille d’un examen important ou pour une présentation d’un rapport crucial à des supérieurs, nous avons tous essayé de lire et relire nos notes dans l’espoir de retenir les informations et de nous en rappeler au moment voulu.

Cependant, cette méthode n’est pas seulement fastidieuse, elle est également inefficace. Les recherches fondamentales en neurosciences l’ont prouvé, essayer de retenir une grande quantité d’information durant un laps de temps court va même à l’encontre du fonctionnement normal de notre cerveau.

Grâce aux avancées des sciences cognitives, il existe heureusement des techniques qui prennent en considération le fonctionnement de notre cerveau pour nous aider à mieux apprendre. 

1. Mémoire & Neurosciences : Comment notre cerveau se souvient ?

La mémoire est le processus d’encodage, de stockage et de récupération d’informations et de connaissances. Elle est cruciale dans le développement et dans la survie de toute espèce vivante. Sans mémoire, nous ne pourrions pas ni apprendre ni effectuer de simples tâches du quotidien. La mémoire n’est cependant pas une simple boite où l’on entrepose des informations, c’est un système complexe faisant partie de notre cerveau. Les neurosciences ont démontré l’existence de plusieurs types de mémoires, parmi elles : 

  • La mémoire à court-terme : elle permet au cerveau de se souvenir d’une petite quantité d’informations pendant une courte période. C’est le type de mémoire utilisé lorsque l’on essaie de retenir une série de nombres comme un numéro de téléphone ou un code. Cette mémoire est très limitée à la fois en termes de quantité d’information stockée, mais également dans la durée de rétention.
  • La mémoire à long-terme : contrairement au premier type, celle-ci permet le stockage d’informations sur une période prolongée (allant parfois jusqu’à des années). La mémoire à long terme peut être subdivisée en deux types différents : la mémoire explicite (consciente et qui inclut les informations et notions qu’on retient comme les dates historiques) et la mémoire implicite (inconsciente et qui elle représente la mémoire corporelle comme l’action de conduire ou faire du vélo).

Dans le cas de la rétention, c’est donc à la mémoire long-terme explicite qu’on fait appel. A la suite d’une perception sensorielle, un évènement se crée et ce dernier sera encodée dans notre mémoire. Cet encodage se fait grâce à la plasticité synaptique qui est la capacité du système nerveux de former et de défaire des connexions entre les neurones. Ces connexions appelées synapses peuvent être renforcées ou affaiblies selon le moment et la fréquence à laquelle elles ont été activées dans le passé. Les connexions actives ont tendance à se renforcer, tandis que celles qui ne sont pas utilisées s’affaiblissent et peuvent éventuellement disparaître complètement[1].

Ainsi la première création de la synapse entre les neurones qui stockent une information particulière n’est pas suffisante pour garantir la pérennité de l’information, qui risque de disparaître si la synapse n’est pas renforcée. D’où l’importance de la répétition, dont l’effet a été prouvé, pour ce qui est de l’espacement,  grâce aux travaux d’Ebbinghaus. 

2. La courbe d’oubli d’Ebbinghaus 

Hermann Ebbinghaus était un psychologue allemand qui a dédié sa carrière à la modélisation de la mémoire et plus particulièrement à la courbe d’oubli, cette dernière définit à quelle vitesse une information apprise sera oubliée. On peut voir ci-dessous qu’au bout de quelques jours le pourcentage de rétention décline considérablement : 

schéma de la courbe d'oubli d'Ebbinghaus

Lors de ces travaux, Ebbinghaus a trouvé un moyen de ralentir cette courbe d’oubli grâce à des rappels à des intervalles de plus en plus élargis. Ces rappels agissent comme des rappels de vaccins pour venir faire appel à l’information et ainsi renforcer les synapses entre les neurones qui stockent cette information. On peut voir l’effet de ces piqûres de rappel sur le pourcentage de rétention au fil des jours[2] : 

schéma de la rétention de la connaissance en fonction du nombre de rappel

Les travaux d’Ebbinghaus ont été démontrés dans de nombreuses études modernes qui ont expérimenté sur des populations types l’effet de l’espacement des révisions et en les comparant à d’autres groupes qui ont suivi d’autres méthodes (bachotage ou aucune révision)[3]

3. La technologie au service de la consolidation des acquis 

Grâce aux découvertes d’Ebbinghaus, nombreux sont ceux qui ont mis en place des systèmes de révision avec un planning et des flash-cards à retenir. Sebastian Leitner, un autre scientifique allemand a simplifié au mieux la révision espacée grâce à son système de boites : la première boite contient les cartes à réviser quotidiennement, la deuxième boite, les cartes à réviser tous les deux jours et ainsi de suite avec dans la dernière boite les cartes à revoir une fois par mois. un système simple mais qui a fait ses preuves au travers de nombreuses études[4].

Schéma représentatif de la révision espacée et la consolidation des acquis

Les évolutions technologiques ont permis par la suite à digitaliser les différents systèmes de révisions espacées et des outils d’aide à l’ancrage ont vu le jour, parmi ceux-ci Anki [5]et Supermemo[6]. Le premier est un outil de gestion intelligent de flash-cards, pour ce qui est du second, l’algorithme de Supermemo trouvera le moment optimal pour réviser. Quelques minutes d’apprentissage par jour suffisent pour mémoriser de manière effective, cet algorithme prend en compte la modélisation de la courbe d’oubli présentée plus haut, l’historique des révisions correctes et incorrectes ainsi que la difficulté du contenu à retenir. Du côté de Domoscio, Lock garantie le maintien durable des compétences grâce à l’ancrage dans le cadre de la formation continue, pour ce qui est du domaine scolaire, le module Spaced Repetition de Spark s’adapte lui au problématique de l’éducation pour consolider les acquis et assurer la mémorisation des connaissances sur le long terme. Ces deux produits, en considérant la courbe d’oubli ainsi que la charge cognitive de l’apprenant et sa capacité de mémorisation, propose un contenu personnalisé à une date adéquate.

Conclusion

Les progrès dans les sciences cognitives et l’essor des nouvelles technologies ont amélioré les possibilités dans l’apprentissage en proposant des techniques et des solutions plus efficaces pour une rétention à long terme des compétences.

Plusieurs outils existent comme Anki, Supermemo ou Domoscio qui utilisent le système de révisions espacées pour proposer des révisions à des dates spécifiques et faire travailler la mémoire avant l’oubli de la notion.

Bien sûr d’autres techniques existent pour l’ancrage à long terme, on peut citer notamment l’Active Recall (se tester soi-même après avoir appris une nouvelle information) ou bien le Micro-doing.


Sources

[1] The University of Queensland Australia (23 juillet 2018). How are memories formed?https://qbi.uq.edu.au/brain-basics/memory/how-are-memories-formed

[2] Fs.blog, The Spacing Effect: How to Improve Learning and Maximize Retention https://fs.blog/spacing-effect/

[3] David P. Ausubel and Mohammed Youssef (6 juillet 2010). The Effect of Spaced Repetition on Meaningful Retention, The Journal of General Psychology,  https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00221309.1965.9711263?journalCode=vgen20

[4] Zaidatun TasirJamalludin HarunNurul Farhana Jumaat (December 2015). Learning english vocabulary using web-based leitner box with social network, research gatehttps://www.researchgate.net/publication/289500617_Learning_english_vocabulary_using_web-based_leitner_box_with_social_network

[5] Anki, about Anki https://apps.ankiweb.net/

[6] Super memo, Learn with super memo  https://www.supermemo.com/en