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L’importance du contenu visuel dans les apprentissages

Louise Michel |

Sur Internet et dans les médias de masse, nous sommes sans arrêt exposés à du contenu visuel, que ce soit à travers les réseaux sociaux privilégiant ce support – comme Facebook ou Instagram – les médias digitaux publiant des vidéos et diaporamas ou encore la publicité en ligne. Pourquoi ce type de contenu est-il autant plebiscité ? Quel est son impact sur l’audience et comment peut-il être mis à profit dans l’apprentissage et particulièrement l’apprentissage numérique ?

Les particularités du contenu visuel

Helene Joffe, professeur de psychologie et de sciences du langage à l’University College de Londres, a justement exploité les études sociologiques portant sur le sujet afin d’expliquer le pouvoir de l’image sur le cerveau humain et son impact sur le processus de mémorisation1. Il en ressort que la principale spécificité du contenu visuel par rapport au contenu textuel est sa capacité à susciter des émotions chez son public. Alors qu’un texte va faire appel à l’intelligence rationnelle et logique, une image a plutôt tendance à amener l’audience sur la voie émotive. Une étude de Åsa Boholm (1998) a par exemple montré que les photos ayant accompagné les articles sur le 10e anniversaire de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl ont provoqué davantage d’implication émotive et généré plus de stress au sein de leur audience que le contenu textuel.

Le fait que l’image donne à voir sans intermédiation et sans faire appel à notre capacité d’imagination lui confère un impact plus fort : l’information décrite semble plus proche de nous. Une image va davantage nous toucher qu’un chiffre car elle est plus réelle et plus consistante à nos yeux. L’image est brute, elle atteint le cerveau humain sans faire appel à notre esprit critique, notre intuition ou notre capacité d’analyse. Son pouvoir de persuasion en est donc décuplé car le spectateur n’est pas appelé à la déconstruire ou la débattre, comme c’est le cas pour un texte. Les neurosciences ont démontré que c’est grâce à l’intensité du message reçu que le matériel visuel laisse une trace forte dans la mémoire. Il faut donc veiller à ce que l’image soumise ait réellement un impact et soit pertinente vis-à-vis du message que l’on souhaite faire passer. Si elle ne parvient pas à nous toucher émotionnellement, elle s’effacera plus rapidement de notre mémoire. En revanche, si une image est judicieusement choisie, toutes les spécificités décrites ci-dessus en font un support d’apprentissage privilégié car l’information donnée à voir s’ancrera plus durablement dans notre esprit. 

L’intelligence visuelle : un mythe ? 

Il existe un mythe tenace à propos de l’apprentissage, celui des différents types de mémoire : visuelle, auditive et kinesthésique. Nous avons parlé de l’impact de l’image sur l’esprit humain et de son rôle dans la mémorisation d’une information, mais ces bénéfices sont-ils plus importants chez des individus ayant un cerveau particulièrement réceptif au contenu visuel ? Des expérimentations récentes ont été menées afin de vérifier cette hypothèse selon laquelle chacun aurait un style d’apprentissage privilégié lui permettant de mieux retenir une information. Si chaque personne émet facilement une préférence entre les trois supports, l’étude n’a pas réussi à démontrer une réelle corrélation entre le style d’apprentissage que l’apprenant choisit et son succès dans l’acquisition d’une connaissance.
Au contraire, la mémorisation d’information s’effectue de façon globale et plus les types de support sont variés, plus ils font appel à des mécanismes cérébraux différents et plus nous sommes susceptibles de retenir l’information. Il est donc important, lors de l’élaboration d’un module d’apprentissage, de varier les types de contenus afin de maximiser l’ancrage de l’information dans la mémoire de l’apprenant.

Comment intégrer le contenu visuel à ses supports pédagogiques ? 

Afin de faciliter la mémorisation d’une connaissance, vous avez tout intérêt à varier les supports de formation. Si la majorité de vos contenus sont textuels, vous pouvez les remplacer ou les compléter à l’aide de visuels adaptés afin d’enrichir l’expérience d’apprentissage : des images ou des photographies pour illustrer. Elles permettront de rendre un concept plus concret, feront appel à l’intelligence émotionnelle de l’apprenant et augmenteront ses chances de mémoriser l’information.  Des schémas et des dessins pour simplifier. Ces derniers ont une grande valeur pédagogique. Ils vont rendre plus compréhensibles des informations abstraites et non perceptibles. Ils seront également ludiques et plus attractifs pour un lecteur qu’un simple texte. La vidéo pour une expérience augmentée. La vidéo ajoutera une temporalité à une simple image. Elle permettra de complexifier l’information transmise et surtout de visualiser un geste, un propos, une procédure, etc. Enfin, l’évaluation d’une connaissance faisant partie intégrante du processus de mémorisation, il est important d’enrichir également les supports d’évaluation avec du contenu visuel. L’exercice n’en sera que plus agréable pour l’apprenant, son impact sera plus important et il ne faut pas négliger la clarification que peut apporter une image : dans un quiz, une image peut permettre de concrétiser la problématique décrite et d’aider l’apprenant à visualiser la situation. 

Quid de la formation entreprise ?  

La rétention des connaissances et des compétences est un enjeu essentiel pour les entreprises, qui souhaitent rentabiliser l’investissement (en temps et en argent) réalisé pour la formation. Outre le contenu visuel, d’autres bonnes pratiques en matière de mémorisation ont été mises en lumière par les sciences cognitives, notamment : utiliser un quiz (plutôt qu’une ressource pédagogique traditionnelle) pour relancer l’apprenant sur une notion clé et espacer les relances dans le temps. Ainsi, pour assurer l’ancrage des formations, l’outil idéal pour une entreprise est celui qui permet de diffuser du contenu sous forme de quiz intégrant de l’image ou de la vidéo, et de pousser ce contenu à l’apprenant sous forme de rappels espacés dans le temps. Aujourd’hui, l’intelligence artificielle nous permet même d’automatiser l’envoi de ces rappels en les adaptant à la capacité de mémorisation de chaque individu.


1Le pouvoir de l’image : persuasion, émotion et identification, Helene Joffe, Diogène 2007/1 (n° 217), pages 102 à 115  Learning Styles: Concepts and Evidence, Harold Pashler, Mark McDaniel, Doug Rohrer, Robert Bjork, First Published December 1, 2009