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Comment les entreprises se sont appropriées les technologies d’Adaptive Learning

Evan Friburg |

Les technologies d’adaptive learning n’en sont plus à leurs prémices. Apparue à la fin des années 2000, l’enseignement supérieur a été le premier à en bénéficier avec des cas d’usage très concluants. Depuis plusieurs années, ce sont les entreprises qui se sont emparées de l’adaptive learning dans le but d’automatiser le pilotage de la formation par les compétences. Retour sur l’évolution d’une technologie (désormais) incontournable.

L’histoire de l’adaptive learning

Historiquement, l’adaptive learning (apprentissage adaptatif en français) renvoie à une méthode d’apprentissage scolaire de l’époque non-informatique : les cours particuliers. Dans la lignée de nombreux psychologues du XXe siècle, Bloom[1] vantait dans ses études les mérites de l’apprentissage personnalisé, en face-à-face, comme une méthode plus efficace que l’enseignement traditionnel. Seulement, l’approche « un enseignant pour chaque apprenant » n’est pas applicable à grande échelle, dans des dispositifs pédagogiques de masse. Avec la digitalisation de la formation, est apparu l’apprentissage différencié : ici, l’apprenant est « catégorisé » et guidé dans un parcours prédéfini grâce à un système expert.

L’adaptive learning tel qu’il existe aujourd’hui est né à la fin des années 2000. Comparé à l’apprentissage différencié, il analyse de façon plus poussée les données d’apprentissage, notamment grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle, afin de faire évoluer les parcours de formation de façon dynamique et d’améliorer l’efficience de la formation. Pour offrir une expérience d’apprentissage la plus individualisée possible, l’adaptive learning s’intéresse à trois grandes catégories de données pour modéliser chaque apprenant (ou définir son profil apprenant) :

  • Les informations liées aux contenus : graphes de compétences, ressources pédagogiques, métadonnées
  • Les informations liées aux apprenants : objectif pédagogique, niveau de maîtrise, préférences d’apprentissage, historique d’apprentissage, etc.
  • Les événements d’apprentissage : interactions entre les contenus et les apprenants sur une ou plusieurs plateformes d’apprentissage

En termes de fonctionnalités, l’adaptive learning consiste notamment à mettre en œuvre des moteurs de recommandation à destination des apprenants. On considère deux niveaux de recommandation :

  • La recommandation de compétences suggère à l’apprenant des items (compétences, connaissances, notions, etc.) à prioriser en fonction de ses objectifs pédagogiques et de son profil apprenant.
  • La recommandation de contenus suggère à l’apprenant des ressources pédagogiques (présentiel, e-learning, vidéo, quiz, micro-learning, serious game, immersive learning, etc.) en fonction des connaissances et des compétences qu’il doit acquérir.

Des résultats observés très tôt dans l’enseignement supérieur

Les premières applications de l’adaptive learning sont enregistrées aux États-Unis, dans les établissements d’enseignement supérieur. Arizona State University, pionnière dans ce domaine, a vu le nombre de ses étudiants ayant validé un module augmenter de 18 %, tandis que le taux d’abandon en cours de route a baissé de 47 %, selon un rapport de Tyton Partners.[2]

Une autre étude conduite dans six universités publiques a montré que les étudiants qui suivaient un cours de statistiques en adaptive learning arrivaient aux mêmes résultats que les autres étudiants dans un temps inférieur de 25 % (les autres suivaient le même cours avec un enseignant en face-à-face). Et ce, quelles que soient les origines sociales des élèves.

L’adaptive learning a fait ses preuves dans les entreprises

Depuis plusieurs années, l’adaptive learning a pénétré le marché de la formation en entreprise, où les DRH ont perçu les impacts de cette technologie sur l’acquisition des compétences, l’engagement des collaborateurs dans leur parcours de formation et le retour sur investissement de la formation. D’autant plus que les données à analyser existent :

  • Les référentiels métiers et compétences permettent de connaître les compétences à acquérir pour chaque collaborateur
  • Les catalogues de formation sont structurés et de plus en plus multimodaux
  • Les données d’évaluation (permettant de connaître le niveau de maîtrise de chaque collaborateur) sont de plus en plus répandues : test de positionnement, auto-évaluation, évaluation par le manager, feedback par les pairs, etc.

Pour l’entreprise, l’enjeu est d’automatiser le pilotage de la formation par les compétences, là où traditionnellement les plans de formation sont plutôt définis en masse en fonction des métiers ou personnalisés manuellement par les managers : dans les deux cas, l’approche n’est pas optimale. Les bénéfices observés sont les suivants :

  • Les questionnaires de positionnement sont optimisés grâce à l’usage de tests adaptatifs, réduisant de 36 % le temps passé à s’évaluer*
  • Le temps passé à se former sur des compétences « obligatoires » est également plus court car l’adaptive learning permet de ne consulter que 63 % du contenu de formation, comparé à un parcours traditionnel, pour acquérir les mêmes compétences*

En conclusion, l’adaptive learning vient augmenter les dispositifs de formation des entreprises et améliorer ses impacts s’il respecte deux choses. Tout d’abord, il doit s’interfacer dans ce dispositif (plateformes et catalogues de formation) pour collecter les données correspondantes : heureusement, cet interfaçage est facilité par les normes d’interopérabilité telles que SCORM, LTI ou xAPI. Par ailleurs, malgré une tendance à automatiser les process, l’humain doit rester au centre du dispositif. C’est pourquoi les équipes formation, les managers, les responsables formation et responsables RH doivent avoir de la visibilité sur le dispositif d’adaptive learning afin de piloter ce que fait l’intelligence artificielle.

* Ces résultats ont été obtenus dans le cadre de protocoles expérimentaux menés avec plusieurs clients de Domoscio.


[1] Source : B. S. Bloom, “The 2 Sigma Problem : The Search for Methods of Group Instruction as Effective as One-to-One Tutoring”, Educational Researcher, pp. 4-16, Jun. – Jul. 1984

[2] Source : « Learning To Adapt 2.0 : The Evolution Of Adaptive Learning In Higher Education », Tyton Partners