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Pourquoi les entreprises ont tout à gagner à modéliser leurs apprenants

Evan Friburg |

L’ère de la Data a ouvert beaucoup de possibilités dans le domaine des ressources humaines et de la formation. Ainsi, on voit les entreprises s’intéresser de plus en plus au « profiling » des salariés en matière de formation ou, autrement dit, à la modélisation des apprenants. On parle alors de Learning Analytics : l’analyse des données, liées de près ou de loin à l’apprentissage, qui permet d’améliorer un dispositif de formation. 

LE PROFILING, UN PHÉNOMÈNE LOIN D’ÊTRE NOUVEAU 

L’intérêt d’identifier des profils d’apprentissage au sein d’une cohorte a été perçu il y a bien longtemps, et cela n’a rien à voir avec l’exploitation de la donnée. Déjà dans l’éducation, les enseignants cherchent à identifier qui sont les élèves qui composent leur classe, quel est leur niveau de maîtrise, quels élèves sont en difficulté et, à l’inverse, quels sont ceux qui progressent bien en autonomie. Pour un enseignant, le but principal est de connaître chacun de ses élèves afin d’en conclure les moyens les plus adaptés pour faire progresser la classe. Parfois, cette analyse lui permettra également de faire travailler ensemble des élèves aux profils similaires ou complémentaires. 

Dans la formation en entreprise, on retrouve le même principe mais à une échelle beaucoup plus grande. Un salarié sera souvent profilé en fonction de son métier et du département auquel il est rattaché, éventuellement en fonction de sa séniorité et de son ancienneté dans l’entreprise. Ici, l’objectif est d’identifier des programmes de formation qui, a priori, seront plus pertinents pour le salarié : par exemple, un manager qui vient d’être recruté suivra le parcours d’intégration portant sur les valeurs de l’entreprise et les compétences managériales de base. En revanche, un technicien dans l’entreprise depuis vingt ans aura plutôt tendance à suivre une formation lorsqu’un nouvel outil qu’il sera amené à utiliser est déployé. En d’autres termes, le profiling est déjà utilisé par les entreprises à des fins de personnalisation de la formation. Mais deux salariés avec le même métier et le même niveau d’ancienneté dans la même entreprise ont-ils vraiment le même profil et les mêmes besoins de formation ? 

COMMENT LA DATA BOOSTE LA MODÉLISATION DES APPRENANTS

Si l’identification de profils d’apprentissage manque parfois de finesse, c’est en grande partie dû au manque de données à analyserDans certains cas, les données existent mais ne sont simplement pas exploitées. Plus précisément, on s’intéressera notamment aux données suivantes (en plus de celles citées ci-dessus) : les référentiels métiers et compétences, l’historique de formation du salarié, ses résultats à des quiz (ou évaluations)ses entretiens d’évaluation, ses interactions avec la plateforme LMS, le feedback de ses pairs, etc. 

 Une fois agrégées, ces informations permettent de modéliser un salarié en fonction de : 

  • Ses objectifs pédagogiques : à partir du métier du salarié et des référentiels de l’entreprise, on peut déduire les attendus en termes de compétences et de niveau de maîtrise 
  • Son niveau de maîtrise : toutes les données (qualifiées) liées à de l’évaluation permettent de mesurer l’état de connaissances et de compétences du salarié 
  • Sa courbe d’oubli : lorsque l’évaluation est réalisée sur la durée, on est capable de mesurer à quelle vitesse le salarié oublie les connaissances et les compétences acquises
  • Ses préférences d’apprentissage : à partir de l’historique de formation, on peut déterminer quels formats ou méthodologies ont eu le meilleur impact sur sa montée en compétences 
  • Ses habitudes d’apprentissage : les interactions avec la ou les plateformes LMS donnent des indications sur les moments et les durées pendant lesquels la formation est la plus efficace 

L’ADAPTIVE LEARNING POUR UNE INDIVIDUALISATION AUTOMATIQUE

Lorsqu’on ajoute à cela de l’intelligence artificielle, on peut aller jusqu’à prédire certains comportementsAutrement dit, en analysant les données d’une cohorte, on pourra identifier LA formation qui sera la plus efficiente pour faire monter en compétences une personne de cette cohorte. Pour ce faire, on se sert des données historiques pour faire du prédictif : si les salariés qui ont un profil similaire au vôtre ont mieux progressé en suivant une formation X plutôt qu’une formation Y, alors c’est cette formation X que vous devriez suivre pour progresser. La modélisation de l’apprenant nous permet alors de définir la compétence à développer, le niveau de difficulté qui vous est adapté, le format de contenu qui vous correspond et le bon moment pour vous notifier de vous former. Le dispositif de formation n’a plus qu’à vous recommander la formation qui correspond à tous ces critères (ou au maximum) : c’est de l’Adaptive Learning. Une fois la formation suivie, le système pourra alors vous envoyer des rappels au bon moment pour favoriser votre ancrage des connaissances et des compétences acquises. 

Pour conclure, la modélisation des apprenants au sein d’une entreprise vise deux objectifs. Le premier, décrit plus haut, est celui de l’individualisation de la formation. Plus le profil de l’apprenant est fin, plus sa formation pourra être adaptée à ses besoins. Et l’Adaptive Learning est capable d’automatiser le processus, de l’analyse des données jusqu’aux recommandations de parcours. Pour l’entreprise, un parcours plus optimal signifie moins de temps passé en formation (pour acquérir une maîtrise équivalente sur les mêmes compétences cibles) et, par conséquent, des salariés performants plus rapidement. Le deuxième objectif est celui de la visibilité : tandis qu’on reproche souvent aux systèmes d’intelligence artificielle l’effet « boîte noire », les Learning Analytics présentent l’intérêt de pouvoir être mis à disposition des acteurs de la formation (apprenant, manager, responsable formation, RH) sous forme de reporting, afin de leur donner de la visibilité sur l’ensemble du processus de formation.